lunes, 2 de mayo de 2011

Un poema de Ana Fernández

PUNTOS DE VISTA



El tiempo

es la distancia

entre el afecto y el amor.

El humor

la ternura del miedo.







POINTS DE VUE



Le temps

est la distance

entre l’affection et l’amour.

L’humour

la tendresse de la peur.

Fragment d'Interdit de Memoire

FRAGMENT DU CHAPITRE 39 D’ INTERDIT DE MEMOIRE

La gare de San Roque était une de ces petites gares de campagne perdues dans la poussière d'un horizon bleu. Une maison jaune crème décolorée par le temps, le soleil et la pluie était tout ce qui matérialisait son existence. Des chemins de terre s'estompaient au loin; une rue aujourd'hui asphaltée, l'artère principale, menait au centre du village. Quand Juan, guidé par son instinct, descendit du train, il ne vit que deux gauchos à cheval qui se perdaient dans la distance. Il se mit en marche comme poussé par une force extérieure. Il avançait. Sur sa route, il croisa quelques paysans et sentit sur lui leurs regards curieux et méfiants. Il réprima son impulsion d'engager le dialogue, il percevait entre eux et lui une barrière; sa peur de l'inconnu ou tout simplement sa folie: l'oubli. {…………………………}
Ses pas le portèrent jusqu'à la porte du magasin du village; il vit quelques chevaux attachés à un piquet, la chaleur montait de la terre desséchée. Il avait soif. Il mit la main dans sa poche de pantalon et n'y trouva qu'un peu de monnaie. Il entra, il ignorait s'il avait assez d'argent pour se payer à boire, mais d'un air décidé alla s'asseoir à une table et commanda un verre de vin. À la table contigüe, quelques paysans sirotaient leur genièvre. Il les épia de biais, avec leurs ceintures faites de pièces de monnaie argentées, leurs pantalons noirs bouffants et leurs chapeaux à larges bords. Il était lui-même observé par un vieux chien. Il lui fit un signe amical et l'animal s'approcha, c'était le premier être vivant présent qui l'abordait avec sympathie. Juan lui caressa la tête et le chien, un berger allemand, se coucha à ses pieds. Quand il eut vidé son verre il se sentit plus dispos, appela le tenancier et lui tendit sa monnaie. L'autre lui lançait un regard narquois. Juan réagit:
– Eh bien quoi ? Pourquoi me regardez-vous ainsi ? C'est tout ce qui me reste, ajouta-t-il en baissant la voix.
– Ces tunes n'ont aucune valeur, répondit l'homme. D'où est-ce que tu sors ? De taule, peut-être ? Juan ne répliqua pas, retourna caresser le chien pour se donner contenance et eut un geste d'assentiment. Ainsi qu'il le comprenait, cette monnaie retirée de la circulation était un symbole du passé oublié. Le patron, qui détestait les ennuis, lui fit signe de s'en aller et l'incident fut clos.
Il se retrouva dans la rue, délaissa la rue principale et s'engagea dans une ruelle latérale, constata qu'il n'était pas seul: le chien de la buvette l'avait suivi, ce détail lui semblait de bon augure. Il appela l'animal, le caressa à nouveau et ensemble ils reprirent la route. Après une
vingtaine de minutes de marche ils s'arrêtèrent devant une vieille demeure à moitié en ruines, il crut reconnaître l'endroit. Un portail oxydé et un pilier incliné qui portait encore les marques d'attache d'une plante grimpante l'invitèrent à entrer. Juan parcourut les ruines, il huma un parfum de fleurs qui lui paraissait familier, mais plus que cet arôme c'était un indéfinissable esprit des lieux qui s'insinuait en lui. Derrière ce qui avait été l'arrière-cour de la maison, il vit la façade d'une chapelle abandonnée. Il se dirigea jusque là, la contourna sur tout son périmètre et put lire les noms gravés sur une rangée de pierres tombales à demi enfouies. Un sentier de pierres se prolongeait jusqu'à un vieux cimetière. Il poussa jusque là mais au lieu de traverser le champ des morts il revint sur ses pas, le chien toujours à ses côtés. Des images essayaient en vain de se former dans sa tête. Revenu au portail, il découvrit une pancarte tombée sur le sol où on pouvait déchiffrer: "CONFECTION DE COURONNES, DE BOUQUETS, DE SUAIRES ET DE NAPPES MORTUAIRES". À ce moment précis, par l'entrebâillement de la porte, il aperçut l'intérieur de la pièce et eut la vision d'une femme occupée à tisser du fil blanc, la reconnut: c'était sa mère. La révélation fut brutale, l'homme se laissa tomber en appui contre le mur et se mit à sangloter, laissant se débonder l'angoisse de toutes ces années vides. Le chien s'assit à son côté les oreilles aux aguets, lui jetant de temps à autre un regard scrutateur. Puis, devinant sa tristesse, lui lécha la main. Quand il parvint à se calmer, Juan se demanda si ce souvenir était le premier qu'il retrouvait ou le dernier qu'il lui restait.
"Vamos", dit-il au chien en se redressant. Il fit quelques pas sans beaucoup s'éloigner; il ne cessait de fixer quelque chose qu'il était seul à pouvoir voir. Ces murs étaient chargés d'images, d'échos de voix anciennes dont il n'arrivait pas à percer le sens. Il spéculait: "Ces vieilles pierres seront encore là, avec les esprits qui les hantent, quand j'aurai cessé d'exister. Vivre nous rapproche peu à peu de la fin, mais moi je suis déjà mort puisque être vivant c'est avoir une identité. Comment vais-je faire pour ne pas me perdre ? Comment avancer comme un aveugle qui ne sait ni où il va, ni qui il est ?" Il était perdu dans ses méditations quand tout à coup se leva un vent d'ouragan qui couvrit le soleil de poussière. Des débris de toiture déclenchèrent en tombant un tapage insolent qui rompit le silence et le cours de ses pensées. Le pampero, le vent de la pampa se rua sur le hameau, charriant chardons, branches, papiers. Quand il fut tombé, le tonnerre éclata sur la plaine accompagné d'un bref et violent orage qui étancha la soif de la terre. Juan et le chien s'étaient réfugiés dans le vestibule, la porte entrouverte battait en cadence, il coula un regard à l'intérieur, tout était ombre et quiétude, mais il ne s'aventura pas à entrer, la peur des souvenirs le paralysait.
Le vent tout d'abord, l'averse à sa suite estompèrent pour quelques minutes les contours du cimetière et les croix solitaires et rigides, témoins muets et derniers de la vie et de la mort. Les souvenirs à peine ébauchés se dissipèrent, sa tête se vidait à l'instar des nuées éphémères qui pour l'heure se déchargeaient d'un coup sur la campagne desséchée par l'ardeur de l'été. Un coup de tonnerre retentit plus fort que les autres et comme à ce signal, la tempête s'apaisa aussi vite qu'elle avait commencé. Une puissante odeur de terre mouillée monta comme si elle concentrait la mémoire des lieux, les dernières gouttes de pluie tombèrent et sans savoir pourquoi, Juan se sentit l'âme en paix. Il héla le chien et se hâta vers la rue. Il refit avec lenteur le chemin jusqu'au village, il marchait comme un somnambule. Quand il fut devant l'épicerie, il entra dans l'intention de restituer l'animal. Le patron semblait l'attendre.
– Merci, amigo ! fit-il d'une voix dont le ton était changé. Venu du fond du local, un vieux s'approchait qui dévisageait Juan avec émotion.
– J'm'en doutais, t'es ben l'fils de Marcial Flores ! s'exclama-t-il. Juan le regardait sans démentir.
– J'te connais d'puis qu't'étais comme çà, ajouta le vieillard en abaissant une paume tremblotante. Ton papa était mon pote – et, se tournant vers le tenancier: deux genièvres ! Assois-toi, muchacho; il désignait une chaise près d'une table de bois noir. Juan honora l'invitation. Les minutes s'écoulèrent, puis l'ancêtre reprit:
– Comment qu't'as vécu pendant tout c'temps-là ? Où c'est qu't'étais? Nous on était tout éberlués qu'tu sois point v'nu pou' l'enterrement de ta sainte mère…
Dépassé par les événements, Juan se mit à parler comme pour lui-même; un discours fragmentaire et incohérent. Le vieux lui tapota l'épaule:
– Là, là, à c't'heure calme-toi mon p'tit, pou' causer y a tout l'temps, bois ton genièvre et allons à la maison, la patronne va nous faire à manger, tu pourras passer la nuit, demain on va parler.
La dernière gorgée avalée, le vieil homme se leva et Juan lui emboita le pas en silence; au dehors, le ciel s'était paré d'étoiles et la Croix du Sud brillait intensément.

Comentario sobre"Interdit de Memoire"


Critiques et avis sur Interdit de mémoire : 30 ans après la... (1)

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o        Livres 4.00/5

Par Perdre-son-temps, le 26 février 2011

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Le présent roman offre le témoignage le plus sensible qui puisse se donner de l'expérience de l'exil. Quitter son pays, ses racines, perdre la trace de ceux que l'on aime, reconstruire sa vie… comment fait-on pour préserver son Moi quand tant de socles vitaux sont ébranlés ?
C'est aussi un roman de la mémoire, nostalgique et peuplé de fantômes.
On y croise une ambiance de secrets, à la limite du fantastique qui n'est pas sans rappeler les pages d'autres grands Argentins comme Borgès ou Cortazar.
En plus de nous livrer une certaine Argentine intime et familiale, Ana Fernandez, par quelques touches délicates, nous parle aussi d'un Bruxelles qui a déjà un peu changé depuis le temps du récit. Ce livre n'est pas un testament, c'est un cadeau contre l'oubli, écrit avec amour pour chacun de nous, quelle que soit notre histoire.

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lunes, 10 de enero de 2011

"L'Hiver de la cigale" , argument de l"oeuvre de la rencontre débat du 26/10

  1.  



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Deux femmes face à face ; entre elles, un monstre...
Hiver 2002. La cigale ayant chanté tout l'été dû bien se résoudre à affronter l'hiver... Laura est maintenue en détention préventive, accusée d'avoir tué le général Oscar Antonio Roederer, ancien dictateur de son pays. L'avocate de la défense, Maître Franchi, va avoir du mal à arracher des aveux à sa cliente. Au fil des rencontres, les deux femmes se retrouvent liées l'une à l'autre par les révélations d'une histoire commune. Devenues indissociables, elles vont devoir parcourir ensemble le long chemin qui mène à la vérité.
Un texte puissant par l'auteur de «L'Initiatrice» que vous avez été nombreux à apprécier la saison passée, servi par deux splendides comédiennes sous la direction de Magali Pinglaut. Dans les écrits de Pizzuti, ce sont toujours des femmes qui luttent. Avec obstination, elles se battent pour qu'un autre monde advienne. Avec opiniâtreté, elles font avancer la machine sociale. Avec fermeté, elles parlent, s'engagent et dénoncent; audacieuses, elles sont pragmatiques et entières, elles luttent pour l'émancipation de tous et pour les libertés de chacun.
Parce que, toutes, elles rêvent à des lendemains qui chantent !
UNE CRÉATION ET PRODUCTION DU THÉÂTRE LE PUBLIC. Salle des Voûtes

Les mardis du Public, 26 octobre 2010





Reencuentro con Daniel Viglieti después de veintiocho años!




"INTERDIT DE MEMOIRE" traduction de un fragment de 'Fragmentos de una Memoria"


Traduction et adaptation du même fragment en français par Pierre Ergo et l’auteur, Editions Luc Pire : « INTERDIT DE MEMOIRE » Bruxelles, septembre 2009
(à la vente en FNAC, Tropisme, Filigrame, etc)

Diego entra à l'Amour fou, il n'y avait pas grand monde, il s'assit près de la porte, par où pénétrait une brise suave qui rafraîchissait l'atmosphère du bar. À l'extérieur, il se représenta en imagination des tilleuls s'échanger des messages de pollen et des souvenirs de pluies d'antan, comme si le trottoir s'était mis à bourgeonner en accéléré. Il se rappela un songe qu'il avait fait il y avait bien longtemps, une vision de feuilles qui se baissaient comme des paupières dissimulées dans le feuillage. C'était en d'autres temps et d'autres lieux. Aujourd'hui, il n'était plus qu'une feuille perdue qui cherchait à se mêler au bruissement de ses semblables. "Les autres sont mon public", pensa-t-il, gagné à nouveau par l'inquiétude que sécrétait son sentiment d'insécurité et par le besoin qui en résultait d'être au centre de la scène. Il eut envie d'alcool, commanda un verre. "Je suis un acteur, mais aussi une légende", s'exclama-t-il en son for intérieur et il se souvint qu'un jour, au cours d'une de leurs disputes, Maty lui avait lancé avec colère: "Un clown, voilà ce que tu es, un clown grotesque !" Il convenait qu'elle avait raison; encerclé par la solitude, il se contentait de la pauvre renommée que lui apportait la compagnie de quelques compagnons de route en qui il n'avait qu'une confiance relative. "Mi-li-cos, fils de pute qui m'avez volé la foi !" scanda-t-il. C'était un accès de rage contre lui-même, il avait martelé les syllabes; paniqué, il s'assura que personne ne l'avait remarqué, il craignait d'être pris pour un fou.
Les clients commençaient à affluer, ses amis en étaient et comme à l'habitude ils se préparaient à la scène, sa présence était une garantie de spectacle. Diego avait la réputation d'un beau parleur, bien qu'aux idées un peu extravagantes. Il cherchait à cacher son angoisse, mais les autres ne le savaient pas et se divertissaient à l'écouter. Il s'accommoda sur sa chaise, se remplit un autre verre, laissa le liquide lui titiller la langue et lui couler lentement dans la gorge, libérant les lutins de sa fantaisie. Il ne se sentait déjà plus seul. Les copains l'encourageaient, il commença son baratin. Ses récits étaient des morceaux de vie, un puzzle de souffrances et de nostalgies, mais il les déclamait sur le ton de la farce ou de l'ironie pour que son public s'en amuse. "Qui regarde, qui est regardé sur ce plateau de théâtre ?" se demanda-t-il à lui-même. C'était un music-hall où il fallait lancer dans le vide une corde imaginaire. L'audace de ses confessions lui nouait l'estomac, mais il en riait et ce rire était contagieux. Les yeux larges ouverts, le groupe attendait ces pirouettes verbales avec une curiosité morbide, il le savait, mais il poursuivait son show non sans un certain masochisme. Les images libérées par les mots dansaient, virevoltaient en sauts mortels, il ne pouvait plus s'arrêter, son public s'enhardissait. Le clown lui pressait le cœur comme une orange, les lutins aux mains rouges lui sortaient de la bouche et reconstituaient des histoires incroyables, les exclamations de l'assistance étaient à ses oreilles autant de compliments. Le bouffon se saoulait des rires qu'il déclenchait, le numéro continuait, il dominait la scène et portait l'auréole du héros, mais dans la fiction. Les trompettes invisibles du cirque improvisé attiraient quelques badauds sous le chapiteau, il multipliait les contorsions verbales et ses confessions se perdaient dans la salle comme des bulles de savon. Il croyait, par moments, pouvoir ainsi changer le présent, mais le labyrinthe est un chemin qui ne mène nulle part. Le mandala mortifère se refermerait plus tard sur lui-même, comme une grimace dessinée sur le sable. L'auditoire, incrédule, suivait cependant ses cabrioles avec la fascination que suscite un jeu d'évasion dangereux. Diego captait l'anxiété de la tablée comme une essence dont s'enflammait sa loquacité; sa gorge était un kaléidoscope de caillots de sang métamorphosés en paroles. Il remplissait verre sur verre, lançait tout à coup un éclat de rire sinistre comme un jaillissement de vomissure noire trahissant son angoisse travestie. Le spectacle touchait à sa fin, les gnomes de ses histoires gisaient immobiles, désarticulés, comme des pantins de papier mâché oubliés sur un coin de la table de bar. Il était tard, les lumières du café commençaient à baisser, le public se dispersait. Le dernier pochard tangua jusqu'à Diego, lui passa un bras autour de la taille et l'entraîna jusqu'à un taxi. Débarqué chez lui, il eut la vision d'une corde tendue entre la vie et la mort – la dernière qu'il aurait à lâcher. La corde qui le rattachait encore à l'existence, au bout de laquelle il n'était plus lui-même qu'une marionnette, incapable de faire face aux circonstances et d'assumer ses actes. Il se dévêtit, éteignit la lampe et s'assoupit dans les vapeurs de l'alcool. Les gnomes se faufilèrent sous le grand sombrero du rêve. Un jour d'exil de plus s'achevait pour Diego.




Algunos fragmentos de la novela en español


(Fragmento del capítulo 40 de la novela de ANA FERNÁNDEZ, “FRAGMENTOS DE UNA MEMORIA” Editorial DUNKIN, Bs. As. Noviembre 2006

(El libro está en venta en “Punto y Coma” (Bruselas)

Diego entró en L’Amour fou, estaba poco concurrido, se sentó cerca
de la entrada; por la puerta penetraba una suave brisa que atenuaba la
temperatura. En la vereda imaginó tilos intercambiando recuerdos de
polen y mensajes de lluvias pasadas, como si las baldosas trataran de
arborecer. Recordaba esa sensación, una visión muy lejana de hojas que
bajan los párpados y se confunden en el follaje. Eso sucedía en otro
tiempo y en otro lugar. Ahora, él era una hoja a la deriva y necesitaba
mezclarse con la gente. “Los otros son mi público” –pensó, nuevamente
invadido por la inquietud que le provocaba su propia inseguridad, y el
afán de ser el centro de la escena. Sintió la exigencia del alcohol, pidió
un vaso. “¡Soy un actor, pero también una leyenda!” –exclamó para sus
adentros, y recordó que Maty, en una ocasión, en medio de una discusión,
le había gritado con cólera: “¡Payaso, eso sos, un ridículo payaso!”.
Aceptó que ella tenía razón: acorralado por la soledad, sólo buscaba la
pequeña fama y la compañía de ciertos camaradas de ruta en los que ni
siquiera confiaba. “¡Mi – li – cos – hi – jos – de – pu – ta– me han quebrado
la fe!” –gritó. Fue un segundo de cólera sobre sí mismo, mordía
cada sílaba, luego, atemorizado, constató que nadie lo observaba; temía
ser tomado por loco.

La gente comenzaba a llegar, sus amigos también y como de costumbre
se preparaban para la escena, su presencia era garantía de espectáculo.
Diego tenía fama de ser buen hablador, aunque de ideas un poco
extravagantes. Él pretendía esconder su angustia; los otros no podían
saberlo y se divertían. Se acomodó de nuevo en la silla, llenó otra copa,
dejó que el líquido mojara su lengua y se deslizara con lentitud por la
garganta, liberando los duendes de su fantasía. Ya no se sentía solo. Los
otros lo incitaban, él comenzó a contar sus historias. Sus relatos eran
pedazos de vida, sufrimientos, recuerdos dolorosos, pero él los lanzaba,
con tono de farsa o de ironía, para divertir a su público. “¿Quién mira y
quién es mirado en este tablado?” –inquirió para sí mismo. La cuerda
virtual de la farándula le exigía lanzarse al vacío, la osadía de sus confesiones
le abría agujeros en el estómago, pero reía y su risa era contagiosa.
El grupo esperaba aquellas piruetas verbales con los ojos abiertos
y curiosidad morbosa, él lo sabía, pero continuaba su espectáculo con
cierto masoquismo. Las imágenes liberadas danzaban, se balanceaban
en saltos mortales, él no podía ya detenerse; su público se enardecía.





El payaso apretaba su corazón, los duendecillos de rojas manos salían
de su boca y recomponían historias, las exclamaciones de los presentes
sonaban en sus oídos como aplausos. El bufón se embriagaba con las
risas, el número continuaba, él dominaba la escena y volvía a ser un
héroe, pero en la ficción. Las invisibles trompetas de ese circo improvisado
atraían a algunos curiosos bajo la carpa, él multiplicaba sus trucos
verbales y sus confesiones se perdían en el bar como burbujas de jabón.
Creía por momentos poder transformar el presente, pero el laberinto
es un camino que no conduce a ninguna parte. El mandala mortífero
se cerraría más tarde sobre sí mismo, como una mueca dibujada en la
arena. El auditorio seguía sus cabriolas, incrédulo, pero entregado a la
fascinación del peligroso juego de evasión. Diego olfateaba la ansiedad
de los presentes y su locuacidad aumentaba como una embriaguez, su
garganta era un calidoscopio de glóbulos de sangre metamorfoseados
en palabras. Llenaba una copa tras otra, de pronto lanzó una carcajada
siniestra y su angustia disfrazada se desparramó en un vómito negro.
El espectáculo llegaba a su fin, los enanos de sus historias yacían inmóviles,
sin esqueleto, como figuras de cartón olvidadas en un rincón de la mesa del bar.
 Era tarde, las luces del café comenzaban a apagarse, el público se dispersaba.
 El último borracho se acercó a Diego, le pasó un brazo por la cintura y lo condujo
 hasta un taxi. Ya en su departamento, pensó en una soga entre la vida y la muerte
 como la única cuerda aún por saltar. La cuerda que lo ataba a la existencia, en
donde él era sólo un fantoche, incapaz de enfrentar las circunstancias ni asumir sus actitudes.
Se desvistió, apagó la luz y se sumió en los vahos del alcohol.
Los duendes penetraron en el gran sombrero del sueño.
 Un día más del exilio había concluido para él.


Presetación: "INTERDIT DE MEMOIRE" biblitheque d' EVERE 8 mayo 2010